Coudrier

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Le chasseur le cerf et l’enfant

Il était une fois, en un lieu indistinct, en un temps indéfini, dans une région forestière au climat tempéré, un homme qui vivait seul au cœur des bois. On ne savait de lui que peu de choses et personne ne cherchais vraiment à en savoir plus, du moment qu’il faisait son travail. Il chassait, permettant au boucher d’avoir de la viande fraîche régulièrement, sans avoir à se salir les mains d’autre matière que par le sang mort. D’un commun accord, on l’appelait Conrad, car personne ne lui avait jamais demandé son nom. Il était arrivé là un jour et n’était plus repartit.

Dans le village où Conrad rapportait les fruits de sa chasse, vivait des gens de tout âge et donc des enfants. Quand venait le temps où la témérité surpassait la crainte des parents, le grand jeux était, pour prouver sa valeur, de s’approcher au plus près de la maison forestière du chasseur. Il en était un parmi eux, nommé Nathanaël, qui s’était mis en tête que l’homme avait un secret. Depuis que ses yeux s’étaient posés sur la large silhouette de l’homme, une fascination avait grandit en lui pour cet inconnu entouré de mystères. Petit, il s’aventurait déjà avec les grands au abord de la maison en bois où habitait le chasseur.

Par une belle journée en fin d’été, il décida que le temps était venu, il allait enfin connaître le secret de cet homme et il allait le révéler au monde ! Ainsi décidé, sûr de lui, il s’élança dans la foret vers son but alors que le jour déclinait. Après une bonne demi heure de marche, il arriva à la clairière qui abritait la petite maison. C’était une habitation forestière toute simple, ceinte d’une barrière de bois, plus propice à délimiter la frontière entre le territoire de l’homme et celui de bête, qu’à empêcher les intrusions. Il déplia sa couverture et s’enroula dedans, attendant dans une tiédeur et un confort relatif que son « gibier » sorte de sa tanière.

Au premières heures du jour, alors que l’aube ne pointait pas encore, Conrad franchit le pas de sa porte, allant chercher sa pitance et son gagne pain. Ce fut le léger grincement du portail qui réveilla le guetteur engourdit. Il s’ébroua avant de suivre du mieux qu’il pouvait le chasseur qui déjà le distançait d’un pas leste. Il le suivit ainsi du mieux qu’il put, devinant plus qu’autre chose l’ombre de sa cible, bien qu’a la vue de ces deux êtres, on eu pensé l’inverse. Il courut à sa suite pendant près de deux heures, perdant ses repères dans une forêt, qu’il ne connaissait au final pas si bien. Sournoisement, l’angoisse montait en lui comme une sève épaisse et noire « Et si je n’arrive pas à le suivre et que je me perds ? » « Où suis-je ? On est pas déjà passé par là ? » « Je n’aurais jamais du faire ça, je vais mourir seul au fond des bois »

Et il se perdit pour de bon, se laissant distancer par celui qu’il traquait. Dépité et passablement affamé, il se laissa errer entre les troncs. Il avançait en chancelant, maudissant sa curiosité. L’endroit qui lui paraissait avant si mystérieux était devenu inhospitalier, plein de bruits sourds et de craquements inquiétants. La canopée semblait s’affaisser sur lui. Il força l’allure, voûtant les épaules pour se protéger d’un danger qui ne venait pas. Il roulait des yeux affolés en tous sens, cherchant quelque issue à son calvaire. Il était seul, affamé, il avait froid et mal aux pieds. Quelque chose le gratta à la base de la nuque. Il sursauta en hurlant, balayant l’arrière de son cou avec d’amples mouvements de mains, comme pour chasser un insecte venimeux. Ce n’était que le col de son surcot de laine, qui était remonté plus haut que celui de la chemise, venant effleurer sa peau moite. Il soupira un grand coup, s’obligeant au calme. Il ferma les yeux, respira profondément et les rouvris, cherchant ainsi une solution dans les taillis. Au travers des troncs moussus, il aperçu finalement sur sa gauche comme un raie de lumière, peut-être une clairière se trouvait-elle par là. Il courut dans cette direction le cœur plein d’espoir.

Il arriva en effet dans une immense clairière où brillant en son centre un lac baigné de soleil. Et Conrad était là. Il pêchait, les orteils affleurant la surface de l’eau miroitante. Comme celui-ci ne l’avait pas vu, Nathan se jeta au sol et rampa se terrer derrière un gros rocher. Il glissa lentement la tête sur le côté et l’observa. Il n’avait plus du tout peur, mais il avait faim, très faim. Un feu brulait non loin du pêcheur, qui ne mit pas longtemps à en faire usage. Il se prépara sur une branche aiguisée le résultat de sa pêche et se mit à manger. Malgré la faim qui le tiraillait, Nathanaël resta caché, il avait perdu sa pitance dans les feuilles mortes et le regrettait amèrement. La curiosité l’emportait pourtant sur le vital. Mais le temps s’écoulait et rien ne se passait. Conrad pêchait tranquillement, les pieds dans l’eau. Et Nathan finit par s’endormir d’ennuis. Ce qu’il arriva ensuite, il ne le sut jamais.

Au début du crépuscule, un jeune cerf vint au lac pour s’abreuver. Il boitait de la patte antérieure gauche à cause d’une vilaine plaie qui s’était infectée. Il ne remarqua pas immédiatement le chasseur, mais fut pris de panique à sa vue et s’élança dans les sous-bois à grandes enjambées. Conrad lui, ne bougeât pas. Au bout de quelques minutes, le cerf revint de nouveau. Il s’abreuva prudemment aux berges du lac avant de repartit du plus vite qu’il pouvait, puis revint une seconde fois. Cet humain l’intriguait. Il avança à tâtons vers le chasseur, lentement, jusqu’à pouvoir humer son chapeau de cuir. Il s’y mêlait l’odeur de la terre, des mousses, du gras et de la sueur. Conrad pivota lentement la tête pour que son regard croise celui de l’animal. Celui-ci s’enfuit à toute jambe, mais revint tout de même.

Patient, le chasseur attendit que l’animal prenne confiance jusqu’à tenter de lui flatter l’encolure. Les muscles de la bête frémirent sous le contact de cette main aux intentions inconnues. Il caressa le dos du jeune cervidé pendant de longue minutes jusqu’à ce qu’il se détende. Puis il le fit assoir. L’animal sauvage finit par obéir. Les gestes lents et doux de l’homme lui inspirait confiance mais sa nature restait méfiante. Conrad glissa lentement sa main droite jusqu’à sa ceinture où il saisit un couteau. Il posa son index sur la pointe, tranchant vers lui et le fit humer à l’animal. L’odeur du métal le dérangea mais il resta à terre.

Lentement Conrad rasa les poils aux abord de la plaie puis nettoya la lame dans l’eau et la passa dans le feu. Il posa sa main gauche sur l’omoplate, regarda la bête droit dans les yeux et plantant habilement son couteau dans la plaie. L’animal émit un petit cri. Impassible, Conrad continua sa chirurgie, faisant glisser la lame vers le bas. Il rinça son couteau et nettoya le pus qui se dégageai de la plaie béante. Une pointe de flèche ainsi que le début de sa hampe était resté dans la chair de l’animal. Il la saisit entre le pousse et l’index, affirmant sa prise, il tira d’un coup sec. L’animal henni et tourna violemment la tête vers son agresseur, venant heurter sa face contre l’épaule du chasseur, le faisant chanceler. Le cerf fit mine de se lever mais d’une main ferme sur la croupe, l’homme lui intima de rester à terre. Une fois assuré que la plaie était bien nettoyée, il rinça avec de l’eau et entrepris de recoudre les deux lèvres de cuir.

Quand il eu fini son affaire, la bête se leva d’un bond et s’élança dans les bois sans se retourner. Conrad le regarda s’éloigner et murmura « Un jour… » dans un sourire. Il rangea ses affaires et mit deux poissons à cuire ; il faisait bien nuit. Nathanaël fut réveillé par le fumet d’un poisson grillé que l’on agitait sous son nez. Conrad était au bout, la lune se levant au dessus de son chapeau. Nathan sursauta en voyant la silhouette noire qui le surplombait avant de reconnaître celui qu’il avait suivit. Il mangeât avec le chasseur en silence et rentra ensuite avec lui au village. Avant de le laisser, Conrad lui dit ceci : «  demain matin, à l’aube » et indiqua la poterne d’un mouvement du menton. Ainsi donc, le village obtint un deuxième chasseur, ce qui permit au premier d’abandonner progressivement cette activité pour une autre qui lui plaisait bien plus : la pêche.

Épilogue :

Quand au jeune cerf, il tomba sous les flèches de Nathanaël à un âge avancé. Ce soir là, Conrad ferma les yeux pour la dernière fois. Son neveu, Conrad, aîné de Nathan, mit sur sa tombe les bois majestueux de l’animal. Et personne ne sut jamais, que deux amis furent inhumés ensemble ce jour là. De la tombe, il ne reste aujourd’hui qu’un chêne, que l’on appelle l’arbre aux cerfs car deux pointes de corne dépassent de son large tronc.



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